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L’assassin a le prix Goncourt

Je dois sans doute à mes réflexions de romancier d’avoir souvent mêlé fiction et réalité, rêve et visions concrètes. Est-ce gênant et inutile ? C’est une autre histoire ! En tout cas, je me suis toujours plu à découvrir des correspondances ou des liens entre les images aperçues et les images supposées. Je crois que cela prolonge toujours utilement une réflexion…

Pierre Gamarra (juin 2002, extrait inédit)

On peut le constater dès les premières œuvres de l’écrivain, par exemple dans un roman policier écrit en 1949, L’assassin a le prix Goncourt. Le titre évoque un prix littéraire que le calendrier nous permet d’évoquer aujourd’hui avec malice. Le roman paraît cette année-là en feuilleton dans un quotidien (Ce Soir) puis fait l’objet de trois éditions : en 1950 sous le pseudonyme de Silvio Michel (S.E.P.E. Paris), puis en 1963 (Éditeurs Français réunis) et en 1986 (Messidor/La Farandole).
« Le nom de Goncourt n’a été utilisé que dans la mesure où il désigne un prix littéraire plus connu du grand public que tout autre. On eût pu sans inconvénient lui substituer tout autre nom ou surnom de prix littéraire », indique l’auteur dans un avertissement préalable. Pierre Gamarra s’amuse à évoquer le monde littéraire parisien tel qu’il le découvre en 1949 lors de son installation à Paris. Il invente un « crime littéraire qui se déroule à la fois dans ces milieux de gens de lettres et dans une petite ville garonnaise d’une région viticole (…) célèbre pour son chasselas… » Il utilise aussi son expérience récente de lauréat d’un prix littéraire : il a reçu l’année précédente, en 1948, le prix Charles-Veillon. Autre ingrédient : sa nostalgie des salles de rédaction d’un journal qu’il vient de quitter en même temps qu’une région qu’il aime.

Au fur et à mesure des différentes éditions, Pierre Gamarra se soucie d’apporter au texte des modifications ou des précisions. Dès l’édition de 1963, l’ajout de citations en exergue de chaque chapitre traduit son goût des formules lapidaires. Pour les deux dernières éditions, les ultimes phrases du roman ont été modifiées, concluant le récit sur un ton moins sérieux que dans la première version. D’autres modifications étaient préparées vers 1990 en vue d’une nouvelle réédition. Il s’agissait de créer des touches plus « modernes » dans le récit : modification du prénom de deux personnages, ajout de la télévision, d’un réchaud électrique, de prises d’empreintes et effacement de toute mention de la cigarette ; ainsi que ce propos faisant allusion au cas Gary-Ajar :


José eut un nouveau rire malicieux :

—Cela risque de donner des idées aux futurs prétendants au prix Goncourt. Imaginez qu’un lauréat déjà couronné, propose un manuscrit l’année suivante, sous un pseudonyme ! Ce serait amusant.


Moins anecdotique, cette note qui évoque l’expérience de l’auteur, qui a été après la Libération, pendant près de cinq ans, rédacteur d’un quotidien, à Toulouse. Le jeune journaliste José Robin se fait le porte-parole de l’écrivain :


Un instant la pensée de José oublia le mystérieux lauréat et revint à ces années d’autrefois que malgré sa jeunesse, le reporter avait connues. Celles du journal « Gutenberg » avec son vaste atelier où dans une lourde chaleur d’huile et de plomb fondu cliquetaient les linotypes. Les linotypistes pianotaient sur les machines en fabriquant ces lignes de plomb qu’on disposerait ensuite dans des formes, sur le marbre, pour la mise en page. Le jeune homme gardait une certaine nostalgie de ce temps où l’on prenait l’empreinte des pages qu’on ferait. Mais le progrès voulait la disparition du plomb pour laisser la place à la photocopie silencieuse et propre.

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